Quinze jours déjà qu’une nouvelle majorité municipale s’est installée au Palais Rohan pour pendre les rênes de la ville de Bordeaux.
Quinze jours déjà que le temps s’est ralenti : je suis passé brutalement du rôle d’acteur à celui de spectateur, mais un « spectateur engagé » pour reprendre le titre d’un livre d’entretiens de Raymond Aron qui ne me quitte jamais.
Quinze jours durant lesquels j’ai vu des scènes et ressenti des émotions que je souhaite partager avec vous.

D’abord il a fallu vider le bureau que j’occupais à la mairie. Je ne dis pas « mon bureau », je n’ai jamais trop utilisé cette formule car une collectivité n’appartient pas aux élus qui la gouvernent temporairement. Nous sommes de passage. En quelques heures, c’était fait. Car malgré douze années à occuper un bureau municipal, je m’étais toujours gardé de trop « m’installer » pour ne pas me croire chez moi.

Préparer son départ et faire ses cartons, c’est croiser et recroiser les regards tristes et parfois humides des dizaines de collaborateurs avec lesquels nous avions naturellement tissé des liens de confiance et parfois d’amitié. Quelques heures après la défaite, il faut savoir trouver des mots réconfortants pour les autres alors qu’on les cherche encore pour soi-même.

Jeudi soir, après la défaite, j’ai jeté un dernier regard sur ces espaces si familiers, j’ai embrassé une dernière fois mes collaborateurs puis j’ai descendu le grand escalier du palais Rohan en sachant que demain s’écrirait une nouvelle page de mon engagement pour Bordeaux.

Le défaite acceptée, il faut savoir savourer quelques moments heureux : des cadeaux inattendus en guise de remerciements, des temps de travail studieux avec les collègues de l’opposition autour de Nicolas Florian pour évoquer l’avenir, des centaines de messages chaleureux et touchant reçus d’habitants et d’acteurs culturels qui regrettent votre départ… Et puis s’asseoir seul à la terrasse d’un café pour regarder Bordeaux et se dire tout simplement : non, tout cela n’est pas terminé. Les 25 000 citoyens qui ont voté pour nous doivent être entendus.

Le premier Conseil Municipal consacré à l’élection du Maire a été particulièrement traumatisant. Plusieurs élus de notre groupe ont été hués par le public, sans qu’aucune réprobation ne soit exprimée par la nouvelle équipe municipale visiblement débordée par l’ampleur du phénomène. Du jamais vu.
Au Conseil Municipal suivant, le nouveau maire rappellera les règles mais le mal était fait. Dans l’enceinte d’une assemblée démocratiquement élue, chacun est légitime et doit être respecté pour ce qu’il représente.

L’élection des adjoints fut pour moi l’occasion d’une première intervention sous forme d’étonnement : aucun adjoint au maire ne sera chargé du Patrimoine. Dans une municipalité comme Bordeaux, labellisée ville d’art et d’histoire, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO et qui compte le plus grand nombre de monuments historiques en province, cette absence est une grave incongruité qui m’inquiète pour l’avenir et qui j’espère sera corrigée. Aucun adjoint non plus pour les ressources humaines, la propreté, la politique de la ville, les mobilités… en revanche « la gouvernance par l’intelligence collective » trouve étonnement sa place dans une délégation d’adjoint… Une appellation du nouveau monde sans doute.

Parmi les maigres responsabilités auxquelles peut prétendre un élu d’opposition, j’ai souhaité continuer de siéger au Conseil d’Administration de l’Opéra National, une institution majeure que la nouvelle équipe souhaite mettre au « vert » et transférer à la Métropole. Orage en vue. Je veillerai à préserver cette maison et les artistes, techniciens et agents qui la font vivre. Des changements sont sans doute souhaitables, j’en ai réalisé certains et beaucoup sont sur les rails. Mais gardons-nous de vouloir faire table-rase d’une institution deux fois centenaire qui accueille plus de 200 000 spectateurs par an (dont 50 000 enfants), et qui est le plus gros employeur artistique de notre région.

Les jours qui viennent me permettront de revenir vers vous puisqu’un nouveau Conseil Municipal et deux Conseils de Bordeaux Métropole devront se réunir. Un mois de juillet somme toute assez studieux.

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