Je n’ai jamais eu envie de passer le permis de conduire. Cela amuse mes amis et surprend mes interlocuteurs. L’idée que la voiture puisse incarner une forme de liberté m’est complètement étrangère. Il sera par conséquent difficile de me présenter comme un défenseur hébété de la bagnole. Pourtant, je constate et déplore la déclaration de guerre contre la voiture lancée par le maire de Bordeaux Pierre Hurmic

Je ne critique pas la limitation de la vitesse à 30 km/h ou bien encore l’instauration d’une Zone à Faibles Émissions (ZFE), deux mesures qui relèvent du bon sens même si la méthode est très discutable. En revanche, je veux dénoncer la multiplication des mesures qui ont uniquement pour but de pourrir la vie des automobilistes : on multiplie les sens uniques sur des axes structurants, on supprime des centaines de places de stationnement dans toute la ville (250 uniquement le long du quai de Queyries), on condamne des rues ou des quartiers entiers…

Officiellement, il s’agit d’apaiser la ville. Officiellement. En réalité, c’est une guerre d’usure purement idéologique que mène le maire de Bordeaux. La veille de son installation en 2020, il déclarait : “L’interdiction de la voiture correspond à une vision de long terme.” Avant de revenir sur cette déclaration face au concert de huées qu’elle provoqua.

Selon lui, “dans les aménagements urbains, 70% de la voirie est consacrée à la voiture, or elle représente 29% des déplacements dans Bordeaux”. La belle affaire : il oublie simplement de préciser qu’elle est aussi plus capacitaire (et protectrice par temps de pluie) puisqu’elle peut transporter plusieurs personnes, contrairement à un vélo. Il n’est donc pas illogique qu’elle occupe plus d’espace que sa part modale dans les déplacements.

Naturellement, je suis très favorable à l’idée de donner plus de place aux piétons et aux déplacements doux dans l’espace public : c’est précisément ce que nous avons fait depuis plus de 20 ans à Bordeaux. Mais j’affirme que la pollution est l’ennemie, pas la voiture.

D’ailleurs, même la voiture électrique ne trouve pas grâce aux yeux du Maire puisqu’il ne propose rien pour encourager sa pratique dans son schéma des mobilités. Il est urgent de mettre en place un véritable réseau de bornes électriques pour anticiper la fin des voitures à moteur thermique, actée au niveau européen à l’horizon 2040.

Enfin, outre son caractère capacitaire et demain non-polluant, le voiture est aussi le seul recours pour les plus fragiles, à commencer par les personnes âgées ou porteuses d’un handicap. Même pour faire quelques kilomètres, certaines personnes n’ont d’autre choix que d’utiliser la voiture. Elles se sentent souvent désemparées quand on leur explique qu’il va falloir prendre le vélo ou le bus…

Peut-on décemment parler de ville « apaisée » lorsqu’on oublie les plus fragiles ?

La voiture est devenue une cible facile, une ennemie idéologique car elle incarnerait la pollution et la dangerosité. Je suis favorable au recul de l’usage de la voiture en ville, à condition d’objectiver sérieusement les mesures prises et de proposer des alternatives crédibles pour que nous puissions continuer à nous déplacer (notamment à faire vivre le commerce de centre-ville). On ne pourra pas transporter les 300 000 passagers supplémentaires en l’horizon 2030 sans nouvelles infrastructures.  Or, le nouveau schéma des mobilités n’en prévoit pas. C’est la congestion qui se profile, avec le risque de saper l’attractivité du centre-ville. Funeste perspective.

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