Mobilités : Bordeaux se barricade

Hier, le maire de Bordeaux a levé le voile sur ses intentions en matière de mobilités, un sujet essentiel pour la vie quotidienne de nos concitoyens, dans une ville qui demeure l’une des plus embouteillées de France.

Deux mesures « phares », pour l’essentiel, retiennent notre attention : une vitesse de circulation abaissée à 30 km/h dans quasiment toute la ville et une légère extension du secteur piéton en centre-ville. Je vais l’écrire sans ambiguïté : sur le principe, je suis favorable à ces deux propositions.  

 

  1. Vitesse à 30km/heure : oui à l’objectif, non à la méthode.

Déployée depuis 2014 (à l’image du quartier Nansouty/Saint-Genès dont j’ai eu la délégation pendant 12 ans), la création de zone 30 km/h supplémentaires faisait partie de la plupart des programmes électoraux présentés en 2020.

Je m’interroge cependant sur la mise en œuvre, avec une forme de précipitation et d’uniformité inquiétante :

-d’une part, une nouvelle fois, le maire fait des annonces sans aucune concertation préalable. Les conseils de quartier seront consultés…après;

-d’autre part, si la vitesse est effectivement abaissée à 30 km/h dans tous les quartiers de Bordeaux au 1er janvier 2022, dans 4 mois (!), il s’agira uniquement d’un remplacement des panneaux. Or, cela ne suffit pas : une zone 30 km/h fonctionne si elle est accompagnée de travaux (création de ralentisseurs, suppression des feux de circulation, rénovation des carrefours…);

Pour mémoire, la ville écologiste de Bègles avait adopté la même méthode radicale…avant de revenir en arrière en rehaussant la vitesse à 50 km/h sur certains axes.

Concernant l’entrée en vigueur de la Zone à Faibles Emissions (ZFE), c’est une obligation légale (et souhaitable) mais qui risque de pénaliser les plus fragiles si nous ne prenons pas les mesures d’accompagnement nécessaires. J’y serai particulièrement attentif.

 

  1. Comment transporter 300 000 personnes supplémentaires par jour d’ici 10 ans ? Pierre Hurmic ne répond pas. 

D’autres mesures éparses viennent encourager la pratique du vélo, de l’auto-partage ou de la marche à pieds. Mais aussi ahurissant que cela paraisse, le maire de Bordeaux ne présente aucun plan d’envergure en faveur des mobilités sur l’ensemble du territoire de la ville.

Je veux là aussi l’écrire sans ambiguïté : je ne remets pas en cause la nécessite de poursuivre les efforts en faveur des modes doux mais jamais ils ne nous permettront de répondre à une question simple : comment transporter 300 000 personnes supplémentaires par jour à l’horizon 2030 ? Pour mémoire, les modes doux sont utilisés essentiellement pour des courtes distances. Ainsi, ils représentent 50% des déplacements mais seulement 10% des km parcours… Or, 57% des habitants de la métropole travaillent à plus de 7 km de leur lieu de vie. 

Il suffit de prendre un plan de Bordeaux pour comprendre l’indigence des annonces d’hier : les deux dorsales urbaines de notre ville sont oubliées.

Rien sur le fleuve qui représente un potentiel extraordinaire, tant pour le transport (propre) de passagers que de marchandises.

Rien sur les boulevards (à l’exception de la pérennisation des couloirs de bus) dont la rénovation devrait constituer le grand projet urbain des années à venir.

Rien non plus sur le Tram, dont certaines extensions aujourd’hui remises en cause permettraient de faire diminuer le nombre de véhicules qui entrent et sortent de Bordeaux, en même temps que la pollution.

Rien sur ce téléphérique actuellement à l’étude qui pourrait déboucher dans Bordeaux, ville classée à l’UNESCO…

Les propositions pour desservir la pleine rive droite sont totalement sous-dimensionnées, alors que sa population va doubler à terme, avec la construction de nouveaux quartiers.

Presque rien non plus pour encourager l’usage de la voiture électrique, et c’est extrêmement révélateur du dogmatisme de la nouvelle équipe municipale : même propre, la voiture est l’ennemi idéologique. 

Enfin, la plupart des mesures annoncées ne sont objectivées. Au-delà des incantations, on ne connaît pas leur impact réel sur la circulation, la pollution ou bien encore la sécurité. 

 

  1. L’idéologie avant l’intérêt général

En réalité, les annonces de Pierre Hurmic concernent pour l’essentiel les déplacements intra-muros, de quartier à quartier, comme si Bordeaux était une île autosuffisante. Ceci est une nouvelle fois révélateur de ce que je dénonce depuis plusieurs mois : une stratégie de repli sur soi avec comme mantra « pour vivre heureux, soyons moins nombreux ». 

L’urbanisme et les mobilités constituent le socle d’une politique territoriale cohérente. Après le coup d’arrêt donné à la construction de logements, force est de constater la pauvreté des ambitions de cette majorité écologiste en matière de mobilités. Dorénavant, on pense nos déplacements futurs à l’aune d’une idéologie politique et non en fonction de l’intérêt général, à partir de données réelles, telle la croissance démographique de notre métropole. A moins que l’objectif ne soit de faire fuir les habitants ? On ne s’y prendrait pas autrement.

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