La Ville de Bordeaux s’apprête à réaliser, sur le toit de la base sous-marine, un projet d’une incroyable frilosité. On nous vend une opération « ambitieuse » de transition énergétique, mais ce qui se dessine est tout sauf visionnaire. En réalité, c’est un projet sans ambition qui hypothèque pour 30 ans l’avenir de ce site exceptionnel, au détriment d’une véritable valorisation écologique, économique et patrimoniale.

Un projet sans ambition : seulement 36% du toit sera véritablement exploité

Le chiffre a de quoi surprendre : sur près de 36 000 m² exploitables, le projet choisi ne couvre que 13 000 m² de panneaux photovoltaïques. Bien loin de la « maximisation » attendue dans le cahier des charges de la consultation qui imposait d’exploiter tout le potentiel du toit.

Plus étonnant encore, l’entreprise retenue pour cette AOT n’a, à ce jour, aucun projet similaire déjà en fonctionnement. La Ville de Bordeaux a donc choisi de confier cet équipement stratégique à un opérateur sans référence éprouvée. C’est un pari risqué sur un site emblématique, là où l’exigence aurait dû être maximale.

Un projet qui comporte deux graves dangers

Le premier problème technique majeur : la structure des panneaux prendra appui sur la dalle secondaire, et non sur les poutres support des pare-bombes comme préconisé. Or, le rapport technique annexé au dossier de l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) est formel : la dalle secondaire est sous-dimensionnée, avec une armature insuffisante. Elle n’est pas prévue pour supporter de telles charges, surtout sans avoir intégré la « surcharge neige » dans les calculs (pourtant obligatoire à Bordeaux).

Cette erreur de conception fait peser un risque structurel important sur la base sous-marine, monument historique et patrimoine de la Ville. À terme, ce choix pourrait engendrer des coûts colossaux de renforcement ou de réparation.

Deuxième danger : l’étanchéité du toit. Le projet actuel ne garantit pas la mise en œuvre d’une véritable étanchéité des terrasses béton, pourtant explicitement prévue dans le cahier des charges. Sans cela, on compromet la pérennité de la toiture et on prend le risque d’infiltrations et de dégradations durables des espaces intérieurs.

Des implications négatives majeures

Au-delà des dangers techniques, c’est une logique de verrouillage à très long terme qui est actée. En effet, l’Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) court sur 30 ans : pendant trois décennies, 18 000 m² supplémentaires seront condamnés à tout autre usage.

La ville renonce ainsi à l’un des rares sites capables d’accueillir, sans impact sur les sols et sans pollution, de l’agriculture urbaine biologique. Installée sur un toit à 23 m de hauteur, cette activité aurait permis de désartificialiser 1 200 ha de jardin en équivalent, tout en générant des revenus conséquents pour la collectivité (estimés entre 500 000 et 800 000 € par an).

On ferme la porte à cette ressource économique locale et durable pour se contenter d’un projet photovoltaïque mal dimensionné, mal conçu, et quasi définitif.

Dès 2015, j’ai conduit une réflexion sur le devenir de la Base qui a permis l’installation des Bassins de Lumières (avec le succès que l’on connait) et a ouvert la réflexion sur le devenir du toit. Un bon projet aurait dû remplir trois fonctions :

  • Produire un maximum d’énergie sur la totalité des 30 000 m² disponibles.
  • Assurer l’étanchéité du toit, condition indispensable pour préserver le bâtiment et favoriser de nouvelles activités dans les alvéoles situées en dessous.
  • Permettre l’installation d’activités agricoles biologiques, pour désartificialiser des milliers de m², contribuer à la transition alimentaire et générer des revenus pour la ville.

Pourquoi alors ce choix médiocre ? Parce qu’il fallait aller vite, pour communiquer avant la fin d’un mandat dont les réalisations concrètes sont bien maigres.

La base sous-marine de Bordeaux méritait mieux, en l’occurrence un projet à la hauteur de son histoire et de son potentiel ; elle hérite d’une solution étriquée qui brade son avenir. Et c’est un grand gâchis.

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