Il faut bien reconnaître que le rôle irremplaçable de la Culture, de l’Art et de la création dans la société moderne reste un combat. A l’heure où se succèdent les coupes budgétaires, sur fond de crise économique mondiale qui paraît endémique, il est urgent de rappeler que la Culture n’est pas un luxe : elle est aussi nécessaire à l’homme que le travail, la nourriture, le logement ou bien encore la santé.
Mais en plus d’être une condition indispensable à l’épanouissement de l’Homme, la Culture forge l’identité des pays, des villes et participe ainsi pleinement à l’attractivité économique et au rayonnement international d’un territoire. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la compétition que se livrent les métropoles européennes, la question culturelle se voit assigner un rôle de tout premier plan et ce, à double titre : d’une part une offre culturelle de qualité apparaît comme indispensable pour attirer les « cadres créatifs » qui semblent constituer l’oméga du développement urbain, d’autre part, des architectures emblématiques et de grands événements semblent aujourd’hui nécessaires pour attirer l’attention, créer du buzz et de l’attractivité touristique. La réussite de la Biennale Agora est un bel exemple.
Une quintuple mutation
Les politiques culturelles vont cependant devoir faire face à une quintuple mutation : économique car l’argent public est devenu rare, social avec un emploi artistique fragilisé, institutionnelle compte tenu de la réforme territoriale en cours, sociétale avec l’émergence de nouveaux modèles d’action culturelle transversaux et collaboratifs axés notamment sur le numérique, et enfin identitaire car la tentation d’un repli sur soi face à une mondialisation mal comprise n’a jamais été aussi forte.
Notre politique culturelle doit être réinterrogée à la lumière de ces mutations, voire de ces menaces que nous devons transformer en opportunités. Il ne faut pas répondre à la crise des financements par une logique de saupoudrage mais au contraire, renforcer la dynamique collective au profit des pôles d’excellences artistiques. C’est pour cette raison, notamment, que j’ai proposé à Alain Juppé de doter avant la fin de l’année la ville de Bordeaux d’un Document d’Orientation Culturelle capable d’analyser sereinement les forces et les faiblesses de notre offre culturelle afin de faire des choix et de les assumer.
Une bonne politique culturelle naît du dialogue entre l’impulsion politique et la totale liberté de création des acteurs. Nous politiques, n’ayons pas peur de la création, du neuf, de l’imagination, de l’invention. Attention à la rouille historique, les artistes travaillent avec des mains d’avenir !
Diversifier les sources de financement
Donner l’envie de Culture à tous les bordelais, dans tous les quartiers, soutenir les professionnels tout en portant attention aux amateurs, favoriser la création et l’innovation, encourager le croisement des disciplines, la mobilité des publics, développer des liens avec les entreprises culturelles, soutenir des institutions ouvertes sur la cité, créer de nouveaux lieux intermédiaires et collaboratifs, coordonner une politique évènementielle qui propose une offre 365 jours par an, permettre le rayonnement de nos talents à l’international… voici esquissées quelques orientations culturelles pour faire de Bordeaux une ville encore plus épanouissante et attractive.
L’enjeu est triple à mes yeux. Il nous faut d’une part bâtir de nouvelles relations institutionnelles avec la future Métropole et des collectivités locales réorganisées à la lumière d’une clarification des compétences. D’autre part, nous ne ferons pas l’économie d’une diversification des sources de financements afin d’attirer plus fortement encore le mécénat (notamment des PME) tout en encourageant les nouveaux dispositifs de financements participatifs. Enfin, les pouvoirs publics vont devoir faire preuve de pédagogie auprès des acteurs culturels pour encourager les dynamiques partenariales. Le temps où chaque entité pouvait disposer seule de son lieu, de son budget, de son personnel, de son matériel est, je le crains, révolu. L’heure est aux mutualisations, c’est notamment pour cette raison que j’ai réuni récemment mes 27 collègues et homologues des communes de la CUB.
Un logiciel à réinventer
Inventé par Malraux et poursuivit par Lang, notre système culturel est aujourd’hui à bout de souffle, c’est le logiciel tout entier qui doit être réinventé. J’ai la conviction que les villes et demain les Métropoles joueront un rôle de premier plan dans ce changement de paradigme. Nous avons un impérieux devoir de rénovation.
Cela passe tout d’abord par une défense sans concession du rôle de la Culture, surtout en temps de crise. A ceux qui déclarent qu’il y a trop peu d’étudiants ou de jeunes dans les théâtres, les orchestres, les musées, etc… (ce qui reste à prouver) je réponds : imagine-t-on quelqu’un trouvant qu’il y a trop de suffrage universel parce qu’il y aurait trop d’abstention ?
Dans un monde où on assiste à l’offensive de l’argent absolu, certains experts et comptables arrogants et glacés nous parlent toujours du coût de la Culture. Je ne répéterai jamais assez que ce n’est pas la Culture qui coûte cher mais bien l’absence de Culture.