« Ecrire, c’est agir. » répétait souvent François Mauriac. Tout au long de sa vie, il ne cessa jamais d’utiliser sa plume pour dénoncer les errements du monde qui l’entourait. Depuis plus de 12 ans, j’ai préféré l’action au stylo, profitant de la chance qui m’était donnée d’être élu local, membre d’un exécutif, c’est-à-dire capable d’agir concrètement et rapidement pour améliorer la vie quotidienne et embellir Bordeaux. Ce temps est révolu, ou presque, car dans l’opposition municipale, on ne peut plus agir ; et c’est la plume qu’il faut manier pour se faire entendre et espérer influer sur des décisions prises par d’autres.
Passer d’un rôle d’acteur à celui de spectateur, même engagé, n’est pas chose facile. En premier lieu parce que mon tempérament me porte plus naturellement vers les réalisations concrètes ; ensuite car les premiers pas de la nouvelle équipe municipale sont si dogmatiques et imprécis que déjà se tournent vers nous des citoyens déçus (et parfois abstentionnistes…) qui attendent que nous agissions pour contrer cette politique susceptible d’abîmer Bordeaux. Enfin, car personne de sincère ne peut décemment supporter de voir son travail remis en cause sans raison valable autre que celle de faire table-rase du passé.
C’est donc par l’écriture que je manifeste aujourd’hui mon étonnement face aux signes avant-coureurs de renoncements que nous percevons dans les premières déclarations et décisions du Maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic. Bien sûr, il est trop tôt, beaucoup trop tôt, pour tirer un bilan définitif de l’action de la nouvelle municipalité.
Pourtant, depuis 2 mois, le premier magistrat multiplie les déclarations approximatives et contraires à son programme de campagne. Il est, à l’évidence, rattrapé par la « réalpolitique » sur différents sujets qui constituaient pourtant des promesses majeures et assez emblématiques de son programme. Voici trois exemples révélateurs :
-en juin 2020, le programme du candidat écologiste annonce sans détour qu’il « mettr[a] fin au contrat de partenariat public-privé et [qu’il] revendr[a] le stade Matmut. » ; en juillet, à peine un mois après, le candidat devenu Maire déclare à propos de la vente du stade dans un interview pour Sud Ouest : « je veux la faire étudier » ; en août 2020 sur France 3 : « il ne faut pas que ça coûte plus cher à la collectivité sinon je renoncerai. ». Par définition, lorsque l’on décide de rompre unilatéralement un contrat, cela coûte cher ! On passe donc d’une promesse de vente catégorique -et assez démagogique- à une simple « étude » dont il n’est pas très difficile de prédire l’issue puisque le coût de rupture du contrat est inscrit dans le Partenariat Public Privé, environ 80 millions d’€. Je prends les paris : d’ici quelques mois, on nous expliquera que la collectivité ne peut débourser une telle somme -ce qui sera vrai- et que le contrat doit être conservé, avec quelques aménagements pour faire bonne figure et faire passer la pilule. Acte 1.
-conformément à son programme et dès le lendemain de son élection, le nouveau Maire annonce un « moratoire sur les grands programmes immobiliers ». Puis, en septembre, on ne parle plus de tout stopper mais plutôt d’une « réorientation » en matière d’urbanisme ce qui n’a pas échappé aux journalistes : « Depuis le terme moratoire semble avoir disparu de son vocabulaire, il parle désormais de réorientation. ». Là encore, souvenons-nous des virulentes saillies du candidat vert qui, pendant la campagne, n’avait pas de mots assez forts pour dénoncer le « bétonnage » dans les nouveaux quartiers. Les premières critiques sur ce sujet sont venues de Philippe Barre, patron de Darwin et militant écologiste qui ne décolère pas. Acte 2.
-enfin, et je cite toujours le candidat : « à la démocratie intermittente, ponctuée par des élections tous les 6 ans, nous voulons substituer une démocratie permanente ». Là encore, les premières décisions du Maire sont prises sans concertation, comme l’illustrent le refus d’accueillir la maison nationale du dessin de presse, la suppression du sapin de Noël ou bien encore la mise en sens unique du cours de la Somme entre la place de la Victoire et la place Nansouty. Sur ce dernier sujet, les habitants sont invités à se prononcer…dans 9 mois, après la mise en œuvre de ce changement important et déjà contesté… Par ailleurs, si pendant la crise sanitaire notre majorité proposait régulièrement à l’opposition des temps de dialogue républicain, le nouveau Maire n’a jamais pris la peine d’informer son opposition de l’évolution de la crise sanitaire. Nous sommes totalement tenus à l’écart, malgré la légitimité du suffrage universel. Acte 3.
Vous pourriez me répondre que tout cela n’est pas très important, pour le moment, et que je devrais me réjouir que le Maire revienne à la raison sur la question du stade et de l’urbanisme. Et sur le fond vous auriez raison. Mais sur la forme, quel pied de nez fait à la démocratie si ces renoncements venaient à se confirmer ! A n’en pas douter, la confiance des habitants envers leurs représentants serait encore affaiblie…
Vouloir préserver la planète ne donne pas un blanc-seing éthique. Sans doute suis-je « vieux monde », mais je crois que les élus, écologistes ou non, doivent tenir ce qu’ils promettent.