Demain dimanche, la 1ère édition du Festival « Bordeaux Open Air » investira le Jardin Public pour 4 après-midis dominicales, verdoyantes et ensoleillées, de musique électronique en liberté. Un rendez-vous familial et convivial pour changer l’image d’un genre à part entière, qui ne se limite pas aux sombres (et parfois sympathiques) boites de nuit branchées. Cet évènement, venu à mes oreilles par la voie la plus simple, une demande motivée et argumentée, imaginé par une équipe jeune et sérieuse, est soutenu par la municipalité en raison de son caractère prometteur et novateur à Bordeaux.
« Veilleurs aux confins»
Il faut écouter respirer la ville, observer les traces de l’émergence pour soutenir la création. C’est le 2ème axe du Document d’Orientation Culturelle de la ville de Bordeaux, « Favoriser la création et l’innovation », qui revêt un enjeu fondamental : promouvoir une grande diversité dans l’offre culturelle en veillant au renouvellement des talents. La ville, porte d’entrée naturelle des idées nouvelles, reçoit de plus en plus de projets, à l’image d’une ville dynamique qui accueille de plus en plus de créatifs, tous sérieusement analysés, mais forcement sélectionnés. Je crois, d’une manière générale, qu’il faut demeurer méfiant face à une idée présentée avec une habileté intellectuelle excessive, même (surtout !) lorsqu’il s’agit d’art. La motivation, l’acharnement même, font aussi la différence.
Bordeaux et l’émergence, autrefois dénommée « avant-garde », c’est une histoire ancienne. En 1965, alors que la belle endormie se laisse tranquillement bercer aux accents parfois monotones d’une vie culturelle uniquement dominée par la tradition et le bon goût, la ville est traversée par un électrochoc qui la bouleverse de part en part. En quelques jours, du 25 au 31 octobre 1965, le ressort est subitement cassé : Bordeaux qui jusque-là fonctionnait à la manière d’un automate vient tout simplement de se réveiller au rythme de SIGMA. Cette histoire se poursuit aujourd’hui dans des domaines aussi divers que la littérature, la musique amplifiée et électronique ou bien encore la BD.
Faire confiance, malgré tout
Soutenir l’émergence, c’est d’abord assumer le risque de faire des erreurs. On rappelle souvent que Jacques Chaban-Delmas eu le courage de faire confiance à Roger Lafosse, fondateur de SIGMA, une tornade dans un Bordeaux classique. On oublie en revanche de rappeler que ce même Maire éconduit poliment de jeunes artistes proposant la création d’un festival de la BD, à l’époque « art mineur », qui s’installera finalement à Angoulême…
Soutenir l’émergence, c’est lutter contre la tentation d’un repli identitaire et réactionnaire qui n’a jamais été aussi fort ces dernières années. Chaque proposition audacieuse défendue en Conseil Municipal fait l’objet d’attaques systématiques et caricaturales des élus d’extrême droite. Et pour cause, Ubis spiritus, ibis libertas, « Où est l’esprit est la liberté ».
Je consacre une part de mon énergie à l’écoute de ces vibrations nouvelles et à la confiance qu’il convient de leur accorder, en demeurant attentif à l’éclosion. Je le fais par plaisir et avec un enthousiasme total, un regard toujours neuf, convaincu que l’épanouissement personnel passe par la découverte de la beauté, notion au combien personnelle et subjective, celle d’un texte ou d’une œuvre, celle que me procure la musique par exemple. Je ne conçois pas ma vie sans livre ou sans théâtre car il ne nous reste que l’art pour ne pas périr devant la vérité (Nietzsche).
Agir
Evidemment, choisir c’est renoncer et s’exposer à la critique permanente et facile. Les sceptiques parlent toujours très fort et très tôt, dès qu’apparait une initiative nouvelle et applaudissent une fois le succès venu. Parfois peu de public lors des premières éditions (3000 personnes en 1965 pour SIGMA…), parfois des déficits… Il ne faut pourtant pas renoncer car, si la création artistique se nourrit de son public, la recherche du public à tout prix peut anéantir l’originalité.
Au-delà de ces convictions, la ville de Bordeaux agit et va continuer de demeurer attentive, dès cette rentrée où plusieurs actions se préparent, notamment :
– le nouveau « Festival International des Arts de Bordeaux Métropole », le FAB, véritable accélération du temps. L’actualité culturelle qui habituellement se déploie tout au long d’une saison, se condense brusquement sur une très courte durée. Cela implique une énergie exceptionnelle, tant pour le spectateur (qui pourra passer plusieurs jours de suite d’un spectacle à un autre) que pour l’organisateur, encore que pour ce dernier, le festival n’est que la partie visible d’un iceberg d’efforts déployés tout au long de l’année (par Sylvie Violan et son équipe) ;
– pour susciter encore plus d’envie, le lancement du projet Démos, un orchestre symphonique de 140 enfants issus des quartiers populaires de Bordeaux et de la Gironde. 2000 enfants ont déjà découvert la musique classique en France grâce à ce projet piloté par la Philharmonie de Paris et l’Opéra National de Bordeaux-Aquitaine ;
– une dizaine d’associations en ayant fait la demande se verront attribuer un local par la ville, s’ajoutant aux 200 associations déjà aidées financièrement ou techniquement;
– la ville aura le souci de « réhabiliter » les amateurs (je préfère d’ailleurs parler de non-professionnels) trop souvent opposés aux professionnels, notamment par l’entrée en phase opérationnel de « L’Amplificateur culturel », ouvert à tous ;
– la simplification des procédures, souvent décourageantes, sera une priorité. A la rentrée, je proposerai notamment aux différentes collectivités d’harmoniser et simplifier leur dossiers de demande de subvention ;
La liste n’est pas exhaustive, elle reflète quelques pensées de fin de congés sous la grisaille des Landes.
« Nous vivons dans un monde où il faut attendre que je sucre fonde » disait Henri Bergson. Roger Lafosse aimait ajouter : « Mais rien ne nous empêche, puisque cela n’est pas interdit, de remuer la cuillère ».
Alors, tous ensemble : remuons la cuillère.