L’île aux impressionnistes, choisie par Alain Juppé pour y faire sa rentrée, fut longtemps le point de rendez-vous des artistes qui refusaient l’académisme pictural préférant faire souffler un vent de liberté sur la peinture avec des angles de vue nouveaux, une attention particulière au mouvement, une simplicité dans les formes… Difficile de ne pas esquisser une comparaison avec la pensée et la personnalité du candidat que 2000 personnes sont venues soutenir dans cette dernière ligne droite.
Les rassemblements politiques ont leurs codes, leurs figures imposées, si bien qu’ils finissent par tous se ressembler. Hier, l’ambiance était singulière, à la fois champêtre et sérieuse, sous un soleil de plomb, dans un environnement d’une grande simplicité : tables et chaises de jardin, quelques voiles tendues sur des bambous en guise d’abris et paella sur l’herbe pour tout le monde. L’homme politique préféré des français fait dans la simplicité, loin des shows à l’américaine qui sonnent creux.
Alain Juppé, en bras de chemise, ne se fait pas prier. Très présent, détendu et à l’aise dans ses bottes, il va de table en table au milieu des militants et bénévoles qui veulent tous leur photo avec lui. Il se prête à l’exercice avec joie, cela se lit sur son visage et celui d’Isabelle.
La simplicité du cadre et de l’organisation (qui, l’espace d’un bref instant, pourrait nous faire douter d’être chez le favori) n’enlève rien à la détermination de l’homme. Dès le matin, ces premières prises de parole improvisées sont percutantes : “On me reprochera peut-être d’être mou. Pourtant, l’autorité, ce n’est pas l’agitation”. Les applaudissements fusent, l’entrée en campagne ratée de l’homme de Neuilly est dans tous les esprits.
Alain Juppé, dans les simples apartés comme lors de son discours va marteler quelques-unes de ses idées maîtresses : plus d’autonomie pour les enseignants, simplification des règles qui cadenassent notre économie, valorisation de l’apprentissage au sein de véritables “universités des métiers”, des crédits nouveaux pour nos armées, maîtrise des flux migratoires…
Le propos devient forcément solennel lorsqu’il aborde la laïcité, un principe fondamental si bousculé ces temps-ci : “la République respecte la liberté de croire ou de ne pas croire à condition que les religions respectent les valeurs et les lois de la République, à commencer par l’égalité entre les femmes et les hommes”. L’islam est abordé avec maîtrise et gravité : “Les Français musulmans pratiquants doivent se doter d’une organisation qui leur permette de dialoguer avec les pouvoirs publics. Nous devons poser les bases d’un accord avec les musulmans qui nous permette de vivre ensemble […]. Je refuserai toujours d’instrumentaliser les peurs, de flatter les bas instincts”, prônant une campagne “d’espérance, de vérité, de transparence”. Les mots sont simples et précis, ils convaincront sans peine.
Alain Juppé rappelle qu’il ne souhaite pas moins d’Etat mais “mieux d’Etat”. Un État fort, respecté et efficace, est un état qui se concentre sur les tâches essentielles et qui sait faire confiance en déléguant à chaque fois que cela est nécessaire. Il dénonce avec force ces “lois de circonstances”, pour répondre à telle ou telle polémique, qui ne font que jeter de l’huile sur le feu, quand elles ne sont pas invalidées… Le sang froid de l’homme d’Etat.
Mais ce que souhaite Alain Juppé par dessus tout, c’est agir vite, par la promulgation d’ordonnances qu’il rédige déjà, non pas pour contourner le Parlement mais pour redonner confiance aux français. C’est la condition première de réformes réussies. Les premiers jours du mandat seront déterminants.
L’ambiance de la journée aura été à l’image de la campagne, “joyeuse et conquérante”. Malgré une chaleur écrasante, on regrettera de devoir se séparer (momentanément). Jean-Pierre Raffarin, souriant et bonhomme, entouré de chaises blanches, semble décidé à poursuivre les discussions avec tous les militants qui le souhaitent. Alain Juppé lui, le regard loin, est déjà ailleurs. Chatou est une rentrée réussie mais il reste 3 mois, une éternité, pour rassembler largement et gagner, sans répondre aux attaques et sans cesser de dire la vérité.