
Édifiant.
En pleine crise politique, l’enquête parue aujourd’hui concernant l’état de la démocratie en France (un travail de qualité mené par l’Institut Jean Jaurès et ses partenaires) tombe à point nommé. Je souhaite partager avec vous quelques réflexions, nourries à la fois d’inquiétude et d’espérance.
Nous sommes épuisés, fatigués du délitement progressif de notre société, à bien des niveaux, ce qui pèse directement sur le moral des Français. Selon l’enquête, 43 % de nos concitoyens se disent “en colère et très contestataires”, tandis que seulement 4 % se déclarent « satisfaits et apaisés ». Le spectacle politique donné ces derniers mois illustre ces fragilités démocratiques : nos institutions sont mises à rude épreuve, et certains n’hésitent plus à vouloir les abattre, au risque de précipiter la France vers l’inconnu.
Le plus frappant demeure le désenchantement collectif face à l’avenir. La population cesse peu à peu de se projeter vers un horizon commun, porteur d’un projet partagé. Neuf Français sur dix (90 %) estiment aujourd’hui que notre pays est en déclin, un record depuis 2014. Ce sentiment d’effondrement inévitable traduit un échec collectif, et, j’en suis convaincu, nous portons tous une part de responsabilité.
La démocratie, comme idéal politique, dépasse le simple mode de gouvernance. Elle est la condition première de l’épanouissement sociétal, de la prospérité économique et de la liberté individuelle. Sans elle, c’est la loi du plus fort qui s’impose, et les plus précaires, les plus vulnérables, se retrouvent abandonnés au bord du chemin. Alors que l’enquête rappelle que le pouvoir d’achat demeure la première préoccupation des Français (36 %), nous devons plus que jamais réapprendre à faire société, dans un cadre politique où la liberté reste notre boussole.
La France, malgré ses échecs, demeure un pays d’atouts et de forces insoupçonnées. Il suffit souvent d’aller ailleurs dans le monde pour mesurer la richesse de notre modèle. Cette crise démocratique doit être le terreau d’un sursaut collectif, d’un travail citoyen pour refonder le vivre-ensemble. L’heure n’est pas à la résignation, mais à l’espérance active : jamais le pessimisme n’a conduit vers des jours heureux.
Autorité, non autoritarisme
J’entends aussi la demande croissante d’autorité. Mais attention : autorité ne signifie pas autoritarisme. Comme le rappelait Alexis de Tocqueville,
« La liberté se développe facilement sous la protection des lois, mais elle ne tarde pas à périr si les lois ne la protègent pas »
(De la démocratie en Amérique, 1835).
La condition première des libertés, c’est la sécurité. Vivre en paix, c’est aussi protéger celles et ceux qui ne peuvent se défendre, faute de moyens socio-économiques suffisants. Si les responsables politiques ignorent cette attente, ce sont les plus violents, les plus radicaux, qui occuperont cet espace. Et l’Histoire, hélas, nous a déjà montré où mènent de tels renoncements.
Winston Churchill nous mettait en garde :
« La démocratie est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres »
(discours à la Chambre des communes, 1947).
Cette phrase, devenue proverbiale, nous rappelle que, malgré ses défauts, la démocratie demeure notre meilleur rempart contre le chaos.
Les partis politiques, piliers fragiles mais indispensables
Je sais la défiance, parfois même le dégoût, qu’une partie d’entre vous éprouve envers les partis et mouvements politiques. Cette défiance est documentée : seulement 10 % des Français déclarent aujourd’hui leur faire confiance.
Mais sans organisation capable de fédérer les citoyens et d’encadrer l’action politique, nous préparons le terrain de l’extrémisme, celui qui s’appuie sur les pulsions et les instincts primaires.
Un parti produit des idées, diffuse une pensée, anime la vie démocratique. Certes, il faut les réinventer, car eux aussi sont fatigués. Mais ils demeurent les garants de la délibération et du pluralisme, conditions vitales de toute démocratie.
Les autres modèles existent, bien sûr : un parti unique, une ligne officielle, une police politique. Mais personne, j’en suis sûr, ne souhaite vivre dans une Chine où la censure règne, ou dans une Russie où les opposants tombent des immeubles. Ces exemples doivent nous rappeler que, malgré nos failles, nos libertés valent d’être défendues.
La démocratie, force du désaccord
La démocratie, c’est la force du désaccord. C’est le seul système où le dissensus peut s’exprimer tout en garantissant à chaque citoyen respect et dignité. Aucun autre modèle ne permet une telle respiration collective.
Notre responsabilité est donc immense : transformer ces désaccords en solutions communes, ces colères en mouvements d’action, et cette lassitude en énergie de reconstruction.
La démocratie n’est pas un acquis : elle est une œuvre vivante, toujours à défendre, toujours à réinventer.

