Alors que nous nous apprêtons à nous retrouver en famille autour du volatile de Noël, la mairie de Bordeaux tente de réhabiliter un autre volatile : le pigeon. Je ne pensais pas devoir un jour parler de ce sujet ici seulement voilà, l’antispécisme (cette mode qui consiste à croire que toutes les espèces se valent…) a encore frappé. Que la mairie juge les rats « indispensables en ville » était déjà une erreur grave, alors qu’elle ne fut pas ma sidération de lire dans une enquête concernant la place des animaux en ville que le pigeon pourrait être un « voisin apprécié » et que 72.2% des répondants ont une opinion neutre ou favorable en sa faveur.
Il s’agit évidemment d’une interprétation des chiffres qui ne serait que discutable si, de surcroit, elle ne remettait pas en cause les connaissances scientifiques. En effet, l’une des réponses possibles est formulée ainsi par la municipalité : « un voisin apprécié : ils font partie de la ville comme les humains et la cohabitation est acquise. »
Or, la saleté, les dommages et les risques sanitaires que la prolifération des pigeons entraine ne doivent pas seulement constituer une réponse possible, c’est un fait scientifique ! Les fientes de pigeons inhalées représentent un risque pour notre santé car elles contiennent une bactérie qui provoque l’ornithose-psittacose. Pneumopathie atypique souvent sévère.
Dans le même esprit militant, la question suivante demande aux 521 répondants s’ils ont déjà nourri les pigeons, sans même prendre la précaution de rappeler que c’est donc dangereux et parfaitement illégal !
En effet, l’article L.2212-2-70 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise que « le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces » relève du pouvoir de police du maire. Le terme d’animaux « malfaisants ou féroces » désigne tout animal dont la présence trouble la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publique. Sur le fondement de ces dispositions, le maire peut ainsi mettre en œuvre des procédés pour lutter contre la prolifération des pigeons (CE, 4 décembre 1995, req. n°133880).
Par ailleurs, l’article L.1311-2 du code de la santé publique dispose que le représentant de l’État dans le département et le maire peuvent prévoir par arrêté « des dispositions particulières en vue d’assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune ». A titre d’exemple, l’article 120 du règlement sanitaire départemental type prévoit une interdiction de « jeter ou déposer des graines ou nourriture en tous lieux publics pour y attirer les animaux errants, sauvages ou redevenus tels, notamment les chats ou les pigeons ». Le fait de ne pas respecter ces dispositions est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.
Réaliser une enquête sur la place des animaux en ville est un outil intéressant avant d’établir une feuille de route sur le bien-être des animaux. Mais y inclure des questions et des réponses possibles qui banalisent les conséquences matérielles et physiques de la prolifération des pigeons en ville, en pleine Influenza aviaire et alors que les transmissions de maladies animales vers l’homme constituent un sujet majeur de recherche et d’inquiétude, c’est tout simplement irresponsable.
A cela, nous pourrions ajouter la facture des dégâts causés par les pigeons sur les toitures des bâtiments municipaux (à commencer par les églises propriétés de la ville) payée par le contribuable.
Compte-tenu de ces éléments, avec mes collègues du groupe Bordeaux Ensemble, nous avons écrit au maire pour lui demander de bien vouloir :
-éclaircir le sens de ce questionnaire et le modifier afin qu’il fasse mention des risques sanitaires et des lois en la matière ;
-nous transmettre le bilan des actions menées ces dernières années par la mairie, tout particulièrement depuis 2020, pour lutter contre la prolifération des pigeons au titre du pouvoir de police du maire ;
Enfin, pour que la science soit préférée au militantisme et qu’elle éclaire nos débats, nous proposons que le conseil de résilience sanitaire de la ville de Bordeaux soir associé à la construction du plan en faveur du bien-être animal et que celui-ci comporte un volet sanitaire qui explicite les moyens mis en œuvre pour lutter contre les animaux et insectes nuisibles.