Après la victoire surprise de Pierre Hurmic, nous nous attendions tous, soutiens comme adversaires, à vivre une rupture politique profonde. D’une part, car son élection mit fin à 73 ans de continuité municipale à Bordeaux. D’autre part, en raison des 25 années de réflexion et de préparation qu’il passa dans l’opposition. Enfin, car son programme était suffisamment radical pour s’adjoindre le soutien du Parti Communiste ou de Génération.s. 

Nous sommes le 28 décembre, 6 mois se sont écoulés jour pour jour, c’est-à-dire une période suffisante pour se faire un avis, sans qu’il soit pour autant définitif. 

Même en faisant preuve objectivité et en tenant compte de la crise sanitaire que nous traversons, j’entends dorénavant les mêmes doutes et le même constat tout autour de moi : aucun souffle nouveau, aucun projet emblématique et tellement de maladresses… Les Bordelaises et les Bordelais, jusque-là bienveillants pour la plupart, commencent à percevoir la réalité et l’expriment.

Pour ma part, je résumerai ces 6 mois en 3 mots : renoncement, indigence et amateurisme.

Renoncement d’abord, la liste est longue : de vente du stade MATMUT et de démission du Président Longuépée il n’est plus question ; le moratoire sur les nouveaux projets immobiliers est devenu un simple droit d’inventaire sans interruption de travaux ; la promesse « 0 artificialisation des sols » n’est qu’un souvenir puisque le PLU (plan local d’urbanisme) n’a pas changé d’un iota et que 244 permis de construite ont été délivrés depuis l’élection du nouveau Maire ; les indemnités des élus ne « baisseront » que de 10% en cas d’absentéisme ; des décisions se prennent sans concertation (comme la mise en sens unique de la rue de Bègles et du cours de la Somme…) et les Conseils de quartier ne se réunissent plus, même virtuellement.

Bien sûr, quelques actions isolées ont été mises en œuvre comme le guichet unique pour accompagner les TPE ou bien encore la clôture de la concertation légale pour l’aménagement du site de La Jallère (des actions que nous avons d’ailleurs soutenues). La ville est péniblement administrée mais elle n’est pas gouvernée : aucune ambition nouvelle ne s’exprime, aucune vision d’ensemble n’est partagée.

Je suis d’ailleurs frappé par l’indigence et le manque de sérieux dont fait preuve cette nouvelle équipe municipale. Je prendrai 4 exemples emblématiques pour illustrer mon propos :

-Sécurité : pour beaucoup de Bordelaises et de Bordelais, la sécurité est la priorité majeure. Après avoir refusé un Conseil Municipal dédié à cette question, refusé d’étendre la vidéo-protection et refusé un débat sur l’armement de la Police Municipale, le Maire ne nous a toujours pas communiqué la liste exhaustive des mesures concrètes déployées pour garantir la sécurité de tous. D’ailleurs, aucun nouveau poste de policier municipal n’a été créé alors que nous en avions recruté 29 ces dernières années ;

-Végétalisation : alors que « Bordeaux Respire » promettait une véritable révolution végétale, Pierre Hurmic a annoncé la plantation de 1619 arbres seulement dans l’année à venir. Nous en proposions 3000 par an dans le plan canopée adopté en 2019 et la Métropole s’apprête à en planter 100 000 par an ! Manque d’ambition criant, même sur ce sujet pourtant si vert.

-Économie : l’expérimentation du dispositif « 0 chômeur de longue durée », présentée comme une mesure miracle, ne touchera que quelques dizaines (centaines ?) de personnes dans certains quartiers de Bordeaux, une réponse symbolique bien en deçà de l’enjeu. Parallèlement à cela, notre indispensable agence de développement économique « Invest in Bordeaux », malgré un bilan remarquable et salué de tous, est déstabilisée par une réduction budgétaire, au point que son Président décide de démissionner ;

-Immobilier : je me suis déjà longuement exprimé sur le gadget que représente l’encadrement des loyers qui a prouvé son inefficacité à toutes les époques et dans plusieurs villes ;

L’impréparation de la nouvelle équipe explique sans doute l’amateurisme qui entoure l’action municipale depuis 6 mois. Si l’on pense tous à la suppression du sapin de Noël et la polémique qui suivit, cette bourde est loin d’être isolée. Ajoutons : le tweet irrespectueux de Pierre Hurmic en « hommage » à Jacques Chaban-Delmas ; le vote du budget décalé à mars 2021 et des associations privées d’avance sur leur subvention ; des travaux sur le restaurant « Le 4ème mur » qui défigurent le Grand Théâtre; la perte du sommet Afrique-France parti à Montpellier ; dernièrement, la lettre infantilisante du Maire aux habitants de plus de 60 ans a provoqué un véritable tollé…

Comme je le disais plus haut, les Bordelaises et les Bordelais commencent à percevoir cette situation et plus encore le style du nouveau Maire, provocateur, agressif parfois, maladroit systématiquement et plus à l’aise pour nous dire ce qu’il ne va pas faire que ce qu’il va faire.

Face à cette insatisfaction montante, la crise sanitaire est une justification récurrente dans la bouche du Maire. Il y a une part de vérité mais il force le trait. Bientôt, il expliquera, malgré les évidences, que la situation financière de la ville est mauvaise. Bref, ce n’est jamais sa faute. Pourtant, les faits sont têtus : récemment, jamais un Maire de Bordeaux n’a eu autant de pouvoir. Mairie, Métropole (sans cogestion), Département et Région : Pierre Hurmic et ses amis ont tous les leviers.

Ce bilan à 6 mois, ce sont les acteurs de la ville, dont certains soutenaient Pierre Hurmic, qui en parlent le mieux :  le collectif Trans’Cub se sent trahie par la nouvelle équipe municipale et métropolitaine ; Philippe Barre, patron de Darwin dénonce des promesses non tenues de la part de Pierre Hurmic, notamment en matière d’urbanisme ; les Ultra pestent contre « l’absence totale de fiabilité et de cohérence » de la Mairie au sujet des Girondins…

Certains me trouveront sans doute trop sévère. Croyez bien que j’espère me tromper, je suis cependant très inquiet pour le devenir de notre ville. Petit à petit, et de manière presque indolore, cette nouvelle gouvernance municipale a une conséquence majeure : notre ville se replie sur elle-même, gouvernée par une idéologie qui promeut la décroissance et l’isolement. Cette trajectoire est celle du déclin, et elle est profondément contraire à l’histoire et à l’âme de Bordeaux.

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