Avignon me laisse toujours sur ma faim.

J’ai plaisir à me rendre au Festival, moins à demeurer dans la ville tout particulièrement durant le mois de juillet car, à la chaleur suffocante, s’ajoute une écrasante marée humaine qui reflue dans toutes les rues de la cité papale provoquant de véritables embouteillages de piétons. Avignon est encombrée, trop petite pour accueillir tant de monde.

La ville médiévale, autour du majestueux rocher des doms, provoque toujours chez moi autant d’admiration. Hélas, face à cette prouesse architecturale unique au monde, il suffit de tourner la tête pour apercevoir un bout de ville hideux des années 60 ou 70. Avignon regorge de ces verrues !

Les remparts qui ceinturent la ville, presque tous intacts, forment un exemple exceptionnel d’architecture militaire dont on peut admirer l’harmonie, à condition de faire abstraction de leur mauvais état de « conservation »…

Le festival IN est incontournable. Il y a du bon et du moins bon, mais sa programmation a du sens grâce au travail engagé d’Olivier Py.

Mettre en scène l’horreur peut encore avoir du sens pour pacifier la société. Voici ce que nous rappelle Thomas Jolly, qui occupe magistralement la cour du palais des papes avec Thyeste de Sénèque. La brutalité de cette tragédie est sans limite. L’engrenage de la vengeance provoque toujours plus de haine et de violence, jusqu’à la fin de la pièce où cette sentence, véritable appel à la tolérance, ramène le calme : « Une seule chose peut nous rendre la paix ; c’est un traité d’indulgence mutuelle ». Tellement d’actualité…

Dans le superbe cloître des célestins, François Chaignaud, en collaboration avec Nino Laisné, multiplie les transformations, du soldat à la gitane, dans Romances Inciertos, un autre Orlando. Du masculin au féminin, sur une musique baroque espagnole tantôt entraînante, tantôt triste, le performeur envoûte son public grâce à sa tessiture vocale exceptionnellement ample.

Après Les Damnés en 2016, Ivo Van Hove revient avec un drame sombre et superbe : De Dingen Die Voorbijgaan. Des acteurs incroyables vous tiennent en haleine pendant 2h en restituant à la perfection l’atmosphère étouffante d’une famille hantée par d’horribles secrets, que seule la mort viendra révéler. Sous l’œil d’une horloge qui égrène le temps, comme une inéluctable course…

Passage obligé et véritable plaisir : Méduse par le collectif bordelais Les Bâtards dorés formé à l’Ecole Supérieure de Théâtre de Bordeaux Aquitaine. Cette pièce, créée à La Manufacture Atlantique avec le soutien de la ville de Bordeaux, revient sur le naufrage de la Méduse et le procès qui suivit. Le public, qui participe de/à la mise en scène, est face à un drame humain, sur fond de conquête coloniale. Les Bâtards dorés posent au centre du plateau l’essence des rapports humains. Entre morale et instinct de survie, souhaitons-nous de ne jamais se retrouver face à de tels choix !

Depuis le début des années 2000, le festival OFF n’est plus l’appendice du IN mais un évènement à part entière qui annonce fièrement 1300 spectacles dans plus de 100 lieux. Une politique du chiffre, sans cohérence, qui peine à convaincre ; un agenda dans lequel on trouve à boire et à manger. Bien sûr, des spectacles de qualité sont présentés mais, pour une compagnie révélée dans le OFF, combien sont exploitées par des loueurs de garages (à prix d’or !) devenus théâtres le temps d’un festival ? Sur des plateaux improvisés, de 9h à 23h, se succèdent des équipes en autoproduction, qui passent la journée dans la rue pour attirer les clients. Le plus souvent, l’épuisement est visible sur leurs visages. Beaucoup repartiront avec des dettes, faute de recettes suffisantes pour payer le théâtre. Au fond, je ne crois pas qu’une manifestation culturelle ait aussi bien singé le libéralisme sauvage…

Et que dire de ces tonnes d’affiches de spectacles et de prospectus qui envahissent les rues et toutes les façades, y compris les plus belles ? L’art a bon dos, surtout lorsqu’il s’agit de camoufler une intense activité lucrative.

Je repars avec un sentiment de trop plein. Pourtant, j’y retournerai l’an prochain avec l’appétit de la découverte.

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